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Bpost vient d\u2019annoncer, via un communiqu\u00e9 de presse, la suppression de dix-sept machines de selfbanking dans la province du Luxembourg. Des machines qui permettent d\u2019imprimer des extraits de compte et d\u2019effectuer des virements.<\/p>\n
Si Bpost annonce aujourd\u2019hui cette suppression, elle est loin d\u2019\u00eatre la seule banque belge \u00e0 agir de la sorte. Que du contraire puisqu\u2019au niveau national, seules 60\u200a% des machines de selfbanking seraient conserv\u00e9es. Et s\u2019agissant d\u2019une moyenne, on peut imaginer les disparit\u00e9s qu\u2019il peut exister entre chaque banque et entre les diff\u00e9rentes r\u00e9gions du pays.<\/p>\n
L\u2019argument principal avanc\u00e9 par les banques pour la suppression de ces machines est le peu de transactions effectu\u00e9es sur celles-ci. Une cons\u00e9quence \u00e9vidente de la digitalisation des services bancaires. On ne peut en effet la nier tout comme l\u2019utilisation grandissante par une majorit\u00e9 de la population des outils num\u00e9riques pour la gestion quotidienne de leurs comptes. Mais est-ce une raison suffisante pour supprimer purement et simplement les autres moyens permettant d\u2019acc\u00e9der \u00e0 ses comptes (en les rempla\u00e7ant presque toujours par des services payants)\u200a? Que fait-on des 40\u200a% de la population qui se retrouve en vuln\u00e9rabilit\u00e9 num\u00e9rique\u200a? Et des 10\u200a% qui n\u2019ont pas de connexion internet\u200a?<\/p>\n
Et plus particuli\u00e8rement, derri\u00e8re ces chiffres, se cache une cat\u00e9gorie de personnes sp\u00e9cialement touch\u00e9e par la suppression des op\u00e9rations manuelles\u200a: nos a\u00een\u00e9s. Une cat\u00e9gorie fortement invisibilis\u00e9e car m\u00eame dans les chiffres, elle n\u2019appara\u00eet que partiellement. En effet, la majorit\u00e9 des \u00e9tudes sur l\u2019exclusion num\u00e9rique n\u2019incluent pas les personnes \u00e2g\u00e9es de plus de 75 ans. Une partie de la population \u00e2g\u00e9e passe donc sous les radars. Ce qui ne permet pas, d\u2019une part, d\u2019avoir une vue tout \u00e0 fait pertinente de la fracture num\u00e9rique chez les s\u00e9niors et d\u2019autre part, r\u00e9v\u00e8le une nouvelle fois l\u2019invisibilisation voire la n\u00e9gation importante de ce public. Pass\u00e9 la barre des 75 ans, ils ne sont m\u00eame plus consid\u00e9r\u00e9s comme des potentiels utilisateurs des outils num\u00e9riques\u200a! Seul le barom\u00e8tre de maturit\u00e9 num\u00e9rique des citoyens wallons fait figure d\u2019exception en incluant les personnes \u00e2g\u00e9es de plus de 74 ans. Et qu\u2019est-ce que nous disent les chiffres aujourd\u2019hui\u200a? En Belgique, 27\u200a% des 55-74 ans n\u2019ont jamais eu recours \u00e0 l\u2019e-banking. Et en Wallonie, en 2019, 42\u200a% des a\u00een\u00e9s \u00e2g\u00e9s de 75 ans et plus ne sont pas connect\u00e9s \u00e0 internet, pr\u00e8s d\u2019une personne sur deux, donc.<\/p>\n
Certes, les chiffres permettent d\u2019objectiver une situation et de prendre la mesure d\u2019une r\u00e9alit\u00e9. Mais \u00e0 force d\u2019objectiver, on oublie que l\u2019arithm\u00e9tique a en fait mille visages et autant d\u2019existences diff\u00e9rentes. Se rappeler que derri\u00e8re 10\u200a% de la population, il y a pr\u00e8s de 1 10\u200a0 000 personnes qui vivent au quotidien sans connexion internet, permet de positionner notre regard autrement et de laisser, pour une fois, de c\u00f4t\u00e9 le contexte froid des statistiques.<\/p>\n
Qu\u2019est-ce que cela signifie pour les personnes en vuln\u00e9rabilit\u00e9 num\u00e9rique quand Bpost supprime les terminaux de selfbanking\u200a? Ou quand les banques ferment leurs agences de proximit\u00e9\u200a? Rappelons qu\u2019entre 2000 et 2019, on est pass\u00e9 de 12\u200a571 agences \u00e0 4\u200a692. 7879 agences ont donc mis la cl\u00e9 sous le paillasson, soit une diminution de 63\u200a%\u2026 Cela signifie de g\u00e9rer ses comptes \u00e0 l\u2019aveugle puisqu\u2019il est impossible ou co\u00fbteux d\u2019imprimer ses extraits de compte et de suivre r\u00e9guli\u00e8rement ses d\u00e9penses. Cela signifie que pour effectuer un virement bancaire, l\u00e0 o\u00f9 avant, il \u00e9tait possible de se d\u00e9placer \u00e0 pied dans une agence bancaire, il faut faire des dizaines de kilom\u00e8tres pour y acc\u00e9der. Comment faire lorsqu\u2019on n\u2019a pas de voiture et que les transports en commun sont rares ou inexistants dans la r\u00e9gion recul\u00e9e dans laquelle on habite\u200a? Et si les op\u00e9rations manuelles n\u2019ont pas (encore) totalement disparu, elles repr\u00e9sentent aujourd\u2019hui un co\u00fbt important. \u00c0 titre d\u2019exemple, faire effectuer un virement en agence peut ainsi co\u00fbter 9,68 euros chez ING.<\/p>\n
La suppression des terminaux de selfbanking n\u2019est pas une anecdote, elle vient nous montrer avec acuit\u00e9 la primaut\u00e9 du num\u00e9rique dans nos pratiques sociales. Et la crise sanitaire actuelle vient superbement accentuer cette tendance. Nous d\u00e9non\u00e7ons (1) ce monopole de la digitalisation qui exclut et pr\u00e9carise des franches enti\u00e8res de la population, dont les plus \u00e2g\u00e9s. La lutte ne doit pas se faire contre cette digitalisation mais contre son \u00e9crasante exclusivit\u00e9. Il est temps que les pouvoirs publics et le monde financier prennent de v\u00e9ritables engagements pour maintenir des services bancaires accessibles \u00e0 toutes et tous. N\u2019oublions pas que la fonction bancaire de base n\u2019est pas qu\u2019une activit\u00e9 commerciale. Il s\u2019agit d\u2019un service public confi\u00e9 \u00e0 des op\u00e9rateurs qui doivent assumer la mission publique d\u00e9l\u00e9gu\u00e9e qu\u2019ils exercent au service des citoyens et citoyennes.<\/p>\n
Financit\u00e9, Espace Senior et En\u00e9o ont lanc\u00e9 une campagne \u201cBanques, dehors les seniors\u200a?\u201d.<\/i><\/p>\n
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