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<\/p>\n

Les syndicats en Belgique 1\/3 1850-1939<\/strong><\/span><\/h2>\n

Naissance des syndicats modernes<\/strong><\/span><\/h2>\n

\"\"Introduction<\/strong><\/p>\n

Ceux qui ont suivi l\u2019actualit\u00e9 ont pu voir un patron de choc, ne cachant pas son m\u00e9pris pour les syndicats, le patron de Ryanair O\u2019Leary, menacer de quitter l\u2019a\u00e9roport de Charleroi s\u2019il n\u2019obtenait pas des garanties contre les actions de gr\u00e8ve. De nombreux commentateurs bien au fait de la concurrence que se livrent les compagnies low cost ne cachaient pas que c\u2019\u00e9tait du bluff, tant cela aurait avantag\u00e9 les concurrents de Ryanair. Et pourtant, malgr\u00e9 cela, les organisations syndicales socialistes et chr\u00e9tiennes se sont engag\u00e9es \u00e0 garantir qu\u2019en cas de gr\u00e8ve \u00ab\u00a0sauvage\u00a0\u00bb, des fonctionnaires du MET assureraient le service minimum, le temps que les compagnies prennent leurs dispositions pour r\u00e9organiser leur trafic vers d\u2019autres a\u00e9roports.<\/p>\n

Rudy Demotte, le ministre pr\u00e9sident de la R\u00e9gion wallonne a bien entendu approuv\u00e9 cette solution et aimerait qu\u2019un accord de ce genre (service minimum) soit \u00e9tendu \u00e0 toute la r\u00e9gion, pour faire de la Wallonie \u00ab\u00a0une terre d\u2019accueil pour les investisseurs.\u00a0\u00bb<\/p>\n

Les organisations syndicales peuvent tr\u00e8s bien accepter de signer, et faire appliquer sur le terrain, ce genre d\u2019engagement, si elles obtiennent en \u00e9change des garanties ou des avantages pour leurs propres appareils. Mais elles peuvent tout aussi bien apr\u00e8s-demain s\u2019appuyer sur les travailleurs en leur tenant un discours radical en apparence, si ces m\u00eames avantages d\u2019appareil \u00e9taient remis en cause.<\/p>\n

Pour les travailleurs et les militants, le probl\u00e8me \u00e9videmment est de savoir comment parvenir \u00e0 ne plus d\u00e9pendre de pareilles directions.<\/p>\n

Est-il encore possible qu\u2019il y ait de grands mouvements de luttes non contr\u00f4l\u00e9s par les syndicats\u00a0? Est-il possible de se d\u00e9fendre, malgr\u00e9 la \u00ab\u00a0mondialisation\u00a0\u00bb, la concurrence des pays \u00e0 bas salaires\u00a0? Ne va-t-on pas risquer, en menant des luttes, de provoquer des d\u00e9localisations qui sont de toute fa\u00e7on d\u00e9cid\u00e9es par des multinationales dont les centres de d\u00e9cision seraient \u00ab\u00a0hors d\u2019atteinte\u00a0\u00bb\u00a0?<\/p>\n

C\u2019est en tout cas par ces arguments que les responsables syndicaux justifient leur propre passivit\u00e9. Mais est-il vrai qu\u2019avant il \u00e9tait plus facile de se d\u00e9fendre, qu\u2019il y avait moins de concurrence ou qu\u2019au temps de nos grands-parents, il y avait \u00ab\u00a0de vrais syndicats\u00a0\u00bb\u00a0? Ou encore, ont-ils raison, ceux qui \u00e0 l\u2019extr\u00eame gauche, pensent que sans les syndicats, il n\u2019y aurait plus d\u2019obstacle aux r\u00e9volutionnaires parmi les travailleurs et qu\u2019en attendant, il faut se tenir en dehors des syndicats\u00a0?<\/p>\n

Pour s\u2019\u00e9claircir les id\u00e9es sur toutes ces questions, il est int\u00e9ressant de se pencher un peu sur l\u2019histoire de la naissance de ces organisations de d\u00e9fense des salari\u00e9s face aux patrons et de voir comment elles ont \u00e9volu\u00e9.<\/p>\n

1800-1914\u00a0: La naissance des syndicats<\/strong><\/span><\/p>\n

\"\"Les organisations corporatistes et le prol\u00e9tariat moderne<\/strong><\/span><\/p>\n

Avant la r\u00e9volution industrielle, il existait d\u00e9j\u00e0 en Belgique des organisations de d\u00e9fense des salaires. C\u2019\u00e9taient des corporations d\u2019artisans, h\u00e9rit\u00e9es du Moyen-\u00c2ge. Cependant, ces corporations ne regroupaient qu\u2019une petite minorit\u00e9 de travailleurs tr\u00e8s qualifi\u00e9s, et encore uniquement par m\u00e9tier.<\/p>\n

La m\u00e9thode par laquelle ces corporations s\u2019effor\u00e7aient d\u2019\u00e9viter que la concurrence n\u2019engendre une baisse des salaires \u00e9tait d\u2019imposer leur monopole sur une sp\u00e9cialit\u00e9 tr\u00e8s pointue. Pour la construction d\u2019un meuble de luxe par exemple, devaient intervenir successivement les artisans de la corporation des menuisiers, pour faire le coffre, puis ceux de la corporation de plaquage en bois pr\u00e9cieux, puis ceux qui posaient le marbre, puis ceux qui fixaient les appliques en bronze, puis les doreurs de bronze\u2026<\/p>\n

Pas question d\u2019accepter un emploi ou une commande chez un patron qui n\u2019avait pas respect\u00e9 les pr\u00e9rogatives de chaque corporation, ou pire, qui aurait embauch\u00e9 un \u00ab\u00a0non-affranchi\u00a0\u00bb, non-membre d\u2019une corporation.<\/p>\n

Pour faire respecter cette r\u00e8gle, les compagnons affranchis \u00e9taient pr\u00eats \u00e0 refuser leur travail durant des ann\u00e9es, voire \u00e0 mettre le feu \u00e0 l\u2019atelier du ma\u00eetre r\u00e9calcitrant, ou m\u00eame \u00e0 massacrer les non- affranchis.<\/p>\n

Car ces organisations d\u00e9fendaient leurs membres autant contre les patrons que contre les autres travailleurs, en particulier contre l\u2019\u00e9crasante majorit\u00e9 des non qualifi\u00e9s.<\/p>\n

Les petits patrons, mais aussi les capitalistes qui, de plus en plus, voulaient investir dans la production (et plus seulement dans le commerce) \u00e9taient \u00e9videmment exasp\u00e9r\u00e9s par ces corporations. Ils demandaient aux pouvoirs publics des lois pour les emp\u00eacher d\u2019imposer \u2018leur monopole\u2019.<\/p>\n

En 1770, le gouvernement de Joseph II prit d\u00e9j\u00e0 des mesures anti-corporatistes, qui rendaient donc plus difficile pour les travailleurs de s\u2019organiser. Mais c\u2019est la R\u00e9volution de 1789 qui leur porta les coups les plus durs. La R\u00e9volution \u00ab\u00a0des droits de l\u2019homme et du citoyen\u00a0\u00bb \u00e9tait la r\u00e9volution de la libert\u00e9 pour la bourgeoisie, de faire ses affaires et de s\u2019enrichir sans entraves.<\/p>\n

A partir de 1795, sous l\u2019occupation des arm\u00e9es fran\u00e7aises puis sous l\u2019administration napol\u00e9onienne, le droit de gr\u00e8ve, le droit de coalition fut interdit aux travailleurs (loi Le Chapelier<\/strong>, promulgu\u00e9e en France le 14 juin 1791, est une loi interdisant les groupements professionnels, en particulier les corporations des m\u00e9tiers, mais aussi les organisations ouvri\u00e8res, les rassemblements paysans et ouvriers ainsi que le compagnonnage). En th\u00e9orie, l\u2019interdiction de coalition \u00e9tait aussi valable pour les patrons, mais jamais aucun d\u2019eux ne fut ni poursuivi ni condamn\u00e9, bien que les coalitions patronales existassent bel et bien. Par contre, de 1830 \u00e0 1860, 1600 ouvriers seront poursuivis sur cette base, et souvent emprisonn\u00e9s.<\/p>\n

Comme cela ne suffisait pas \u00e0 mater les corporations, qui r\u00e9sistaient clandestinement, un livret ouvrier fut institu\u00e9, livret personnel \u00e0 chaque travailleur, que son patron devait signer pour l\u2019autoriser \u00e0 chercher du travail ailleurs, ce qui \u00e9tait \u00e9videmment un moyen de pression.<\/p>\n

Mais plus que par les lois, c\u2019est surtout par la r\u00e9volution des techniques et de la production que les capitalistes vont briser la r\u00e9sistance des corporations.<\/p>\n

Pour baisser les co\u00fbts de leurs marchandises, ils rationalis\u00e8rent et r\u00e9organis\u00e8rent le travail au sein de grandes fabriques, o\u00f9 les activit\u00e9s complexes du travail artisanal furent d\u00e9compos\u00e9es en une s\u00e9rie de gestes simples\u2026 qu\u2019un enfant pouvait accomplir.<\/p>\n

Quelques d\u00e9cennies plus tard, \u00e0 partir de 1820, ces capitalistes, devenus des industriels, commenc\u00e8rent \u00e0 investir dans l\u2019achat de machines, pour augmenter la productivit\u00e9 du travail.<\/p>\n

Cela leur permit d\u2019embaucher massivement les travailleurs non organis\u00e9s, issus des petites entreprises et surtout venus des campagnes. \u00ab\u00a0Il y a une diff\u00e9rence notable,\u00a0<\/em>disait un patron de fabrique en 1843, entre les ouvriers des campagnes et ceux des villes\u00a0: je pr\u00e9f\u00e8re infiniment les premiers, dont les m\u0153urs sont plus simples et plus douces, et que l\u2019on conduit \u00e0 volont\u00e9\u00a0<\/em>\u00bb.<\/p>\n

Les investisseurs internationaux, \u00e0 l\u2019aff\u00fbt de nouveaux march\u00e9s, investirent massivement en Wallonie, pour profiter d\u2019une source d\u2019\u00e9nergie bon march\u00e9 (le charbon)\u2026 et du bas co\u00fbt de la main d\u2019\u0153uvre.<\/p>\n

\u00c0 partir de 1840, en deux d\u00e9cennies \u00e0 peine, les campagnes sont vid\u00e9es de leurs populations, aspir\u00e9es par les banlieues industrielles. Une majorit\u00e9 de ces familles laborieuses sont bris\u00e9es, dispers\u00e9es aux quatre vents par la pr\u00e9carit\u00e9, chacun essaye de survivre de son propre c\u00f4t\u00e9.<\/p>\n

Des foules de travailleurs sans logement fixe, hommes, femmes, enfants m\u00e9lang\u00e9s, se d\u00e9placent d\u2019un carreau de charbonnage \u00e0 l\u2019autre, d\u2019un faubourg au suivant, \u00e0 la recherche d\u2019un travail. Ils n\u2019ont pas de droits, pas de domicile, pas de famille ni connaissance vers qui se tourner\u00a0: ils vivent comme des \u00e9migr\u00e9s dans leur propre pays.<\/p>\n

Bien loin de leur venir en aide, les travailleurs des corporations sont horrifi\u00e9s par cette masse qui accepte de travailler non pour un bol de riz, mais \u00ab\u00a0de patates\u00a0\u00bb (cf le tableau c\u00e9l\u00e8bre de Van Gogh). Les artisans des corporations se sentent d\u00e9sarm\u00e9s par cette concurrence. \u00c9videmment, cela facilite aux patrons l\u2019exploitation des travailleurs non organis\u00e9s.<\/p>\n

Aucune loi ne les prot\u00e8ge de la rapacit\u00e9 patronale, ni sur le travail des enfants, ni sur la longueur de la journ\u00e9e de travail, ni sur les salaires, les conditions de travail, etc. Dans les mines, entre 1831 et 1855, on enregistre 3 569 tu\u00e9s. Dans les ann\u00e9es 1840, un docteur rel\u00e8ve qu\u2019\u00e0 la bataille de Waterloo, le risque de mortalit\u00e9 \u00e9tait de 1 pour 30, alors qu\u2019il est de 1 pour 25 pour les travailleurs \u00e0 Nivelles.<\/p>\n

Toute cette situation ressemble beaucoup \u00e0 ce qu\u2019on peut observer aujourd\u2019hui en Chine\u00a0: les jeunes filles qui travaillent dans les usines Nokia, les ouvriers des chantiers de construction des Jeux Olympiques, entre autres, sont pour la plupart issus des campagnes, sans droits, ni syndicats, sans papiers, bien souvent. Cela est vrai aussi en Inde, au Maroc, en Turquie\u2026<\/p>\n

Alors, imparable cette concurrence\u00a0?<\/p>\n

1860-1870\u00a0: l\u2019Association Internationale des Travailleurs<\/strong><\/span><\/p>\n

C\u2019est ce que laissent entendre aujourd\u2019hui les organisations syndicales, qui se pr\u00e9tendent impuissantes face \u00e0 un capitalisme \u00ab\u00a0mondialis\u00e9\u00a0\u00bb. Et pourtant, dans cette Belgique de 1860, qui ressemble par bien des aspects \u00e0 la situation en Chine aujourd\u2019hui, la solution va venir des syndicats des autres pays. Les id\u00e9es, les perspectives, les m\u00e9thodes de lutte vont venir des ouvriers les plus organis\u00e9s et les plus politis\u00e9s des autres pays\u00a0; surtout du prol\u00e9tariat anglais.<\/p>\n

L\u2019Angleterre de l\u2019\u00e9poque est la premi\u00e8re puissance du monde, c\u2019est le pays le plus industrialis\u00e9. La classe ouvri\u00e8re anglaise y a d\u00e9j\u00e0 une longue tradition de lutte derri\u00e8re elle. Elle commence \u00e0 s\u2019organiser dans des syndicats modernes et \u00e0 arracher des concessions \u00e0 sa bourgeoisie. Alors, les patrons anglais menacent ces travailleurs organis\u00e9s et combatifs de d\u00e9localiser leur industrie (comme Cokerill), ou bien ils font venir des travailleurs\u2026 de l\u2019est, des pays \u00e0 bas salaires, comme la Belgique.<\/p>\n

\u00ab\u00a0Chaque fois que nous essayons d\u2019am\u00e9liorer notre situation au moyen de la r\u00e9duction de la journ\u00e9e de travail ou de l\u2019augmentation des salaires, les capitalistes nous menacent d\u2019embaucher des ouvriers fran\u00e7ais, belges ou allemands pour un prix moins \u00e9lev\u00e9. Cette menace est souvent mise \u00e0 ex\u00e9cution.\u00a0\u00bb\u00a0<\/em>Voil\u00e0 le constat que pouvait faire George Odger dirigeant trade-unioniste et membre de l\u2019AIT, dans\u00a0l\u2019Adresse aux ouvriers fran\u00e7ais<\/em>\u00a0qu\u2019il r\u00e9digea au nom des travailleurs syndiqu\u00e9s de Londres.<\/p>\n

Mais ces dirigeants ouvriers-l\u00e0 n\u2019\u00e9taient pas du style \u00e0 lever les bras au ciel ou \u00e0 r\u00e9clamer des lois contre la concurrence des autres pays\u00a0:\u00a0\u00ab\u00a0La faute n\u2019en est certes pas aux camarades du continent, mais exclusivement \u00e0 l\u2019absence de liaisons r\u00e9guli\u00e8res entre les salari\u00e9s des diff\u00e9rents pays. Mais cette situation prendra bient\u00f4t fin, gr\u00e2ce \u00e0 nos efforts pour arriver \u00e0 mettre les ouvriers mal pay\u00e9s au m\u00eame niveau que les autres<\/em>. \u00bb<\/p>\n

Ces syndicalistes anglais vont se lancer dans la construction d\u2019un mouvement international, pour tenter d\u2019apporter aux travailleurs des pays \u00ab\u00a0concurrents\u00a0\u00bb, leurs exp\u00e9riences syndicales, leurs principes, leurs m\u00e9thodes de lutte, et m\u00eame souvent leur soutien mat\u00e9riel. Ce mouvement, ils le fondent \u00e0 Londres en 1864 (Association Internationale des Travailleurs), et pour les \u00e9pauler, ils recrutent un immigr\u00e9, un r\u00e9fugi\u00e9 politique qu\u2019ils jugent du c\u00f4t\u00e9 des travailleurs\u00a0: Karl Marx.<\/p>\n

Quand on regarde leur tentative aujourd\u2019hui, on se demande par quel miracle ils ont r\u00e9ussi, car la situation \u00e9tait au moins aussi difficile qu\u2019aujourd\u2019hui. Pourtant, il n\u2019y pas de miracle : les dirigeants syndicaux anglais se sont donn\u00e9 les moyens d\u2019atteindre leur but. Les patrons anglais les mena\u00e7aient, faisaient du chantage \u00e0 l\u2019emploi\u00a0? Ils ont r\u00e9pondu du tac au tac en entra\u00eenant des centaines de milliers de travailleurs anglais dans des gr\u00e8ves de masses.<\/p>\n

Toute la presse europ\u00e9enne se faisait l\u2019\u00e9cho des gr\u00e8ves, des manifestations monstres de 1867 en Angleterre, qui ont fait reculer le patronat.<\/p>\n

C\u2019\u00e9tait si impressionnant, que dans tous les pays europ\u00e9ens, il se trouvait des centaines d\u2019individus pour oser se dire, eux aussi, \u00ab\u00a0Internationalistes\u00a0\u00bb et s\u2019adresser aux travailleurs sur base des id\u00e9es de l\u2019AIT\u00a0: \u00ab\u00a0travailleurs de tous les pays, unissez- vous\u00a0\u00bb.<\/p>\n

Reprenant les analyses des ouvriers anglais, ils expliquaient aux membres des corporations, qui regrettaient le \u00ab\u00a0bon vieux temps d\u2019avant les machines\u00a0\u00bb\u00a0: \u00ab\u00a0regardez, le monde a chang\u00e9, l\u2019\u00e9conomie est devenue mondiale\u00a0\u00bb. Les petits patrons de nagu\u00e8re sont de plus en plus remplac\u00e9s par une classe capitaliste, qui n\u2019est plus li\u00e9e \u00e0 un pays ou \u00e0 un secteur \u00e9conomique, mais qui investit ses capitaux l\u00e0 o\u00f9 c\u2019est le plus profitable, en jouant sur la concurrence entre travailleurs et en organisant ses affaires \u00e0 l\u2019\u00e9chelle internationale. Face \u00e0 ces capitalistes, les travailleurs eux aussi ne forment d\u00e9sormais qu\u2019une seule et m\u00eame classe internationale, ayant le m\u00eame int\u00e9r\u00eat, ind\u00e9pendamment de leur nationalit\u00e9 ou de leur m\u00e9tier\u2019.<\/p>\n

Jamais les travailleurs belges, ni les membres des corporations, ni le prol\u00e9tariat \u00e9cras\u00e9 des grandes usines, n\u2019avaient encore entendu de telles id\u00e9es. Les militants de l\u2019AIT en Belgique sont rapidement entour\u00e9s de dizaines de nouveaux amis, des travailleurs avides de comprendre et qui reprennent \u00e0 leur tour ces id\u00e9es. Les meetings ram\u00e8nent des centaines de personnes, les manifestations des milliers.<\/p>\n

\u00ab\u00a0Dans les ann\u00e9es 1867-1869, on assiste en Belgique \u00e0 un extraordinaire d\u00e9veloppement de la conscience ouvri\u00e8re, de m\u00eame qu\u2019\u00e0 celui des capacit\u00e9s organisationnelles du prol\u00e9tariat<\/em>.\u00a0\u00bb<\/p>\n

En effet, en 3 ans, le nombre de travailleurs affili\u00e9s \u00e0 l\u2019AIT en Belgique, atteint 70 000 adh\u00e9rents. Il y a 42 sections de l\u2019AIT dans la r\u00e9gion de Charleroi, 10 dans le Borinage, 7 dans le Centre, 10 \u00e0 Bruxelles\u2026 Chose remarquable\u00a0: c\u2019est parmi les simples ouvriers d\u2019usine, sans tradition ni organisation, analphab\u00e8tes bien souvent, que les id\u00e9es modernes de l\u2019AIT progressent le plus vite.<\/p>\n

Un historien raconte\u00a0:<\/p>\n

\u00ab Sa propagande (de l\u2019AIT) fait prendre conscience aux mineurs, non seulement de l\u2019identit\u00e9 de leur condition sociale, de la similitude de leur exploitation, mais aussi de la solidarit\u00e9 profonde qui les lie \u00e0 l\u2019ensemble des ouvriers du pays et m\u00eame d\u2019Europe\u2026<\/em>\u00a0\u00bb.<\/p>\n

\u00ab\u00a0Les mouvements n\u2019\u00e9clatent plus seulement \u00e0 la suite de brimades patronales, mais sont \u00e9troitement li\u00e9s \u00e0 la conjoncture \u00e9conomique. \u00c0 c\u00f4t\u00e9 des gr\u00e8ves d\u00e9fensives, \u00e9clatent des gr\u00e8ves d\u2019un type nouveau, offensives cette fois. Au moment o\u00f9 la conjoncture \u00e9conomique s\u2019am\u00e9liore, les mineurs prennent les devants et arr\u00eatent le travail dans l\u2019espoir de r\u00e9colter les fruits<\/em> \u00bb<\/p>\n

Quoi d\u2019extraordinaire dans ces luttes offensives pour les salaires\u00a0? Eh bien, qu\u2019avant, il n\u2019y en avait pas. Depuis la cr\u00e9ation de la grande industrie en Belgique (1820), il n\u2019y avait jamais eu de gr\u00e8ves pour augmenter les salaires. Pour qu\u2019elles soient possibles, il a fallu un profond changement dans la conscience des travailleurs\u00a0: en premier lieu que si c\u2019est le patron qui leur paye un salaire, sa richesse vient de leur travail \u00e0 eux, et que r\u00e9clamer une augmentation, c\u2019est r\u00e9clamer un d\u00fb. Et que pour obtenir ce d\u00fb, il faut cr\u00e9er un rapport de force, par une lutte commune, qui rassemble tous les travailleurs, dont le niveau de vie, de salaire, sont li\u00e9s.<\/p>\n

Ce sont donc des id\u00e9es politiques, sur la soci\u00e9t\u00e9, sur l\u2019\u00e9conomie, qui sont \u00e0 l\u2019origine de l\u2019essor des luttes syndicales, m\u00eame celles qui sont men\u00e9es dans une seule entreprise.<\/p>\n

Cet essor des organisations ouvri\u00e8res avec l\u2019AIT est fragile\u00a0: apr\u00e8s la d\u00e9faite de la Commune de Paris (1871), et la r\u00e9pression polici\u00e8re contre les travailleurs qui s\u2019en suit dans toute l\u2019Europe, toutes les sections de l\u2019AIT en Belgique disparaissent (ailleurs aussi).<\/p>\n

Mais en r\u00e9alit\u00e9, les choses ont profond\u00e9ment chang\u00e9. L\u2019AIT a cr\u00e9\u00e9 une g\u00e9n\u00e9ration de militants ouvriers conscients et politis\u00e9s, et au-del\u00e0, g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9 une conscience de classe \u00e0 de tr\u00e8s larges fractions des travailleurs.<\/p>\n

Partout renaissent des associations qui s\u2019efforcent de regrouper les travailleurs de l\u2019industrie\u00a0: des syndicats notamment, mais aussi \u00e0 travers des mutuelles, des coop\u00e9ratives d\u2019achats.<\/p>\n

Au sein des vieilles organisations corporatistes, on assiste alors \u00e0 des bagarres, des empoignades, \u00ab\u00a0des haines de Chinois\u00a0\u00bb, qui opposent ceux qui veulent rester fid\u00e8les aux perspectives de classe de l\u2019AIT et ceux que ces militants ouvriers appellent avec m\u00e9pris des \u00ab\u00a0aristocrates\u00a0\u00bb, des ouvriers tr\u00e8s qualifi\u00e9s et plus individualistes, qui tiennent \u00e0 leur position \u00e0 part. Les associations de m\u00e9tiers s\u2019affaiblissent, et l\u2019id\u00e9e d\u2019un grand rassemblement des travailleurs fait son chemin.<\/p>\n

1880-1913 les partis ouvriers organisent les masses<\/strong><\/span><\/p>\n

Cette combativit\u00e9 des travailleurs, leur int\u00e9r\u00eat pour les id\u00e9es concernant la soci\u00e9t\u00e9 et la politique, va attirer vers eux de nombreux militants issus de la gauche des partis bourgeois, surtout du parti lib\u00e9ral. Ce sont des d\u00e9mocrates, des anticl\u00e9ricaux, des r\u00e9publicains,\u2026 choqu\u00e9s par ce qu\u2019on appellerait aujourd\u2019hui la \u00ab\u00a0mondialisation\u00a0\u00bb, par l\u2019\u00e9volution de cette soci\u00e9t\u00e9 o\u00f9 le nombre de pauvres s\u2019accro\u00eet malgr\u00e9 l\u2019augmentation des richesses, o\u00f9 la concurrence fait rage et ruine les petites entreprises, o\u00f9 l\u2019\u00e9conomie est paralys\u00e9e par des crises, etc.<\/p>\n

Ils sont s\u00e9duits par les id\u00e9es socialistes qui leur apportent une explication coh\u00e9rente de ces ph\u00e9nom\u00e8nes absurdes et surtout, ils pressentent dans la classe ouvri\u00e8re une force de mobilisation et de pression qu\u2019ils pourraient opposer \u00e0 cette \u00e9volution sociale qu\u2019ils jugent n\u00e9faste. Jaur\u00e8s, Vandervelde, Kautsky, sont les repr\u00e9sentants les plus connus de cette vague de militants petits-bourgeois attir\u00e9s vers le mouvement ouvrier.<\/p>\n

Cela n\u2019en fait pas des r\u00e9volutionnaires, au contraire, ils esp\u00e8rent pouvoir canaliser l\u2019\u00e9nergie de la classe ouvri\u00e8re pour \u00e9viter que les conflits sociaux ne d\u00e9g\u00e9n\u00e8rent en une confrontation violente entre les classes sociales, ils veulent \u00e9viter une r\u00e9volution.<\/p>\n

Ils misent sur une conqu\u00eate pacifique du pouvoir l\u00e9gislatif et gouvernemental pour faire triompher leurs id\u00e9es. Pour cela ils se rendent compte que des mouvements de pression sur la classe dominante sont n\u00e9cessaires, quitte \u00e0 sortir de l\u2019action parlementaire et l\u00e9gale, mais dans la perspective d\u2019obliger les gouvernants \u00e0 faire des concessions, pas de les renverser.<\/p>\n

Mais, \u00e0 la diff\u00e9rence des mouvements r\u00e9formistes d\u2019aujourd\u2019hui, les alter mondialistes, les \u00e9cologistes, etc., ils ne se contentent pas de discours appelant les dirigeants \u00e0 \u00ab\u00a0devenir enfin raisonnables\u00a0\u00bb, non, eux n\u2019h\u00e9sitent pas \u00e0 aller organiser les masses, et pour y arriver, \u00e0 reprendre \u00e0 leur compte les revendications bas\u00e9es sur les int\u00e9r\u00eats mat\u00e9riels, sociaux, politiques, des pauvres.<\/p>\n

C\u2019est sous cette impulsion que vont appara\u00eetre, dans tous les pays d\u2019Europe, des partis ouvriers de masse. En Belgique, c\u2019est en 1885 que sera fond\u00e9 le Parti Ouvrier Belge. Le choix des dirigeants du POB est de gagner une influence politique sur les travailleurs en les liant au parti par toutes sortes d\u2019organisations qui correspondent \u00e0 leurs besoins imm\u00e9diats\u00a0: mutuelles d\u2019assurance contre les maladies, la vieillesse\u00a0; coop\u00e9ratives d\u2019achat, pour se procurer une nourriture moins ch\u00e8re et de meilleure qualit\u00e9\u2026<\/p>\n

Par un travail m\u00e9thodique et syst\u00e9matique, ils vont s\u2019efforcer de g\u00e9n\u00e9raliser ce type d\u2019organisation, avec succ\u00e8s. Les travailleurs rejoignent ces mutuelles, ces coop\u00e9ratives, et l\u2019importance que prennent ces organisations dans leur vie quotidienne alimente en retour une confiance politique \u00e0 l\u2019\u00e9gard du POB.<\/p>\n

Mais ces militants r\u00e9formistes ne vont pas s\u2019arr\u00eater l\u00e0. Pour gagner de l\u2019influence parmi les ouvriers de la grande industrie en Wallonie, chez qui l\u2019AIT a implant\u00e9 une tradition de luttes syndicales, les dirigeants du POB vont s\u2019efforcer, de fa\u00e7on volontariste, de cr\u00e9er et d\u00e9velopper des syndicats modernes. En 1898, est fond\u00e9e la \u00ab\u00a0Commission syndicale\u00a0\u00bb du POB, dont la t\u00e2che expresse est d\u2019organiser les travailleurs dans des syndicats stables (qui durent plus que quelques ann\u00e9es comme c\u2019\u00e9tait souvent le cas), qui s\u2019adressent aussi aux travailleurs du rang, pas seulement aux qualifi\u00e9s.<\/p>\n

Les militants de toutes les organisations du POB sont mis \u00e0 contribution pour soutenir les mouvements de gr\u00e9vistes. Aujourd\u2019hui, au mieux de sa forme, l\u2019extr\u00eame gauche rassemble quelques individus pour aller soutenir les travailleurs \u00e0 un piquet de gr\u00e8ve. Mais \u00e0 l\u2019\u00e9poque de la naissance du parti ouvrier, ce n\u2019\u00e9taient pas \u2018quelques individus\u2019, mais des centaines de militants, des milliers de sympathisants\u2026Et des militants qui \u00e9taient aussi souvent les organisateurs de coop\u00e9ratives, capables de mobiliser des moyens impressionnants, d\u2019obtenir un large soutien mat\u00e9riel et moral de la part des autres travailleurs \u00e0 l\u2019\u00e9gard de ceux qui \u00e9taient en lutte.<\/p>\n

Ce travail d\u2019organisation des travailleurs dans des syndicats porte des fruits. En 1910, l\u2019effectif des syndicats regroup\u00e9s par la Commission syndicale atteint presque 70\u00a0000 syndiqu\u00e9s, soit 7% des salari\u00e9s. Un chiffre modeste par rapport \u00e0 l\u2019ensemble des travailleurs\u00a0: la Belgique \u00e9tait alors l\u2019atelier industriel de l\u2019Europe et comptait des centaines de milliers d\u2019ouvriers d\u2019usine. Mais il faut tenir compte de ce que l\u2019affiliation \u00e0 un syndicat \u00e9tait, de la part des travailleurs, un acte militant qui devait braver la loi (art 390 du code p\u00e9nal contre les gr\u00e8ves) et surtout la r\u00e9pression patronale.<\/p>\n

Les F\u00e9d\u00e9rations de m\u00e9tiers, issues des traditions corporatistes, c\u00e8dent lentement la place \u00e0 une conception moderne du syndicalisme, s\u2019effor\u00e7ant de grouper et d\u2019organiser tous les travailleurs pr\u00e9sents dans l\u2019entreprise, ind\u00e9pendamment de leurs qualifications.<\/p>\n

A la base du succ\u00e8s de ces nouveaux syndicats, il y a bien s\u00fbr le travail des militants socialistes, mais aussi la r\u00e9alit\u00e9 objective du fonctionnement du capitalisme industriel lui-m\u00eame. Le capitalisme rassemble les travailleurs dans des usines et les pousse \u00e0 collaborer entre tous les m\u00e9tiers dans la production. Ceux qui esp\u00e8rent s\u2019organiser \u00e0 part gr\u00e2ce \u00e0 leur qualification particuli\u00e8re sont t\u00f4t ou tard rattrap\u00e9s par le bouleversement des techniques, qui remplace ou change les qualifications n\u00e9cessaires.<\/p>\n

C\u2019est donc le choix politique de militants socialistes de militer dans la classe ouvri\u00e8re pour y syst\u00e9matiser les perspectives d\u2019organisation et de lutte commune, qui a donn\u00e9 naissance \u00e0 des syndicats o\u00f9 les travailleurs n\u2019\u00e9taient plus divis\u00e9s par m\u00e9tiers, ou entre qualifi\u00e9s et non qualifi\u00e9s.<\/p>\n

Changement dans la politique de la bourgeoisie et d\u00e9veloppement des appareils<\/strong><\/span><\/p>\n

Les patrons face \u00e0 l\u2019organisation des travailleurs<\/strong><\/span><\/p>\n

Comment les patrons r\u00e9agissent-ils face \u00e0 cette multiplication d\u2019organisations ouvri\u00e8res\u00a0? Dans leur grande majorit\u00e9, ils y sont profond\u00e9ment hostiles. M\u00eame les organisations mutuelles et coop\u00e9ratives, ils les soup\u00e7onnent d\u2019\u00eatre \u00ab\u00a0des \u00e9coles du socialisme\u00a0\u00bb et surtout, des caisses de gr\u00e8ves dissimul\u00e9es. Il est vrai que l\u2019activit\u00e9 du POB leur a montr\u00e9 que ce n\u2019\u00e9tait pas tout \u00e0 fait faux. Alors bien s\u00fbr, les syndicats sont tout simplement consid\u00e9r\u00e9s comme un rassemblement ill\u00e9gal qui porte atteinte\u00a0\u00e0 leur \u00ab\u00a0libert\u00e9 d\u2019entrepreneurs\u00a0\u00bb.<\/p>\n

Il va sans dire que les patrons ne reconnaissent ni organisations syndicales, ni d\u00e9l\u00e9gu\u00e9s, ni porte-parole du personnel, ni quoi que ce soit. L\u2019affiliation \u00e0 un syndicat est dans ces conditions un acte secret, les syndicats demeurent des organisations clandestines, qui dissimulent leurs adh\u00e9rents, leurs caisses de gr\u00e8ve, et qui n\u2019ont aucune existence l\u00e9gale.<\/p>\n

Dans cette situation, les syndicalistes n\u2019arrivent \u00e0 se maintenir dans les usines que sur la base d\u2019un rapport de force, qu\u2019ils cr\u00e9ent en militant, en gagnant la confiance et le soutien de leurs coll\u00e8gues, m\u00eame non syndiqu\u00e9s.<\/p>\n

Bien entendu, cela ne suffit pas toujours, et les patrons profitent des reculs, des gr\u00e8ves d\u00e9faites bien souvent, \u00ab\u00a0pour faire le m\u00e9nage\u00a0\u00bb. Le Livret ouvrier est toujours une menace suspendue au-dessus de la t\u00eate de tout militant syndicaliste, malgr\u00e9 les nombreux mouvements de gr\u00e8ves, d\u2019\u00e9meutes m\u00eame, par lesquelles les ouvriers tentent de s\u2019y opposer.<\/p>\n

Cependant, dans l\u2019espoir de retenir les ouvriers attir\u00e9s par les organisations socialistes, les patrons acceptent de financer de plus en plus souvent les associations charitables mises sur pied par l\u2019Eglise catholique. Ces associations n\u2019avaient pas vraiment de succ\u00e8s aupr\u00e8s des travailleurs, qui trouvaient humiliant d\u2019accepter de la soupe et de vieux v\u00eatements de vieilles bigotes bien nourries.<\/p>\n

Mais le financement de ces \u0153uvres de charit\u00e9 servait au moins \u00e0 \u00e9duquer les patrons \u00e0 la n\u00e9cessit\u00e9 de consacrer une certaine fraction de leurs b\u00e9n\u00e9fices sous forme de secours social, pour mod\u00e9rer la lutte des classes. Et la le\u00e7on n\u2019allait pas \u00eatre perdue\u2026<\/p>\n

Mais tous les capitalistes ne se laissent pas aveugler par l\u2019hyst\u00e9rie anti-socialiste. Certains, parmi les plus puissants, les plus influents, sont tout \u00e0 fait capables de juger lucidement les organisations r\u00e9formistes et leurs chefs, dont les objectifs (le suffrage universel, les droits syndicaux) n\u2019ont rien de radicaux. Et ces bourgeois-l\u00e0 comprennent que le POB pourrait servir d\u2019instrument de contr\u00f4le de la classe ouvri\u00e8re, si la situation le n\u00e9cessitait.<\/p>\n

C\u2019est pourquoi par exemple, en 1911, Ernest Solvay, grand patron de la chimie, a subventionn\u00e9 (1 millions de francs) la fondation de l\u2019Institut d\u2019\u00e9ducation ouvri\u00e8re, \u00e9cole de formation des cadres du POB. C\u2019est pourquoi encore, le banquier Emile Francqui a \u00ab\u00a0g\u00e9n\u00e9reusement\u00a0\u00bb soutenu la gr\u00e8ve g\u00e9n\u00e9rale de 1913 pour le suffrage universel\u00a0par un gros ch\u00e8que au POB. Ces capitalistes \u00e9taient port\u00e9s aux nues par les dirigeants du POB, qui les qualifiaient de \u00ab\u00a0patron social \u00bb et les montraient en exemple.<\/p>\n

Eh bien, c\u2019est justement ce type de \u00ab\u00a0patron social\u00a0\u00bb qui va instrumentaliser le parti et les syndicats ouvriers.<\/p>\n

Car de nouvelles circonstances vont en effet obliger la bourgeoisie \u00e0 changer de politique \u00e0 l\u2019\u00e9gard des organisations ouvri\u00e8res, et en particulier \u00e0 l\u2019\u00e9gard des syndicats.<\/p>\n

1914-1920 L\u2019exp\u00e9rience de la collaboration de classe<\/strong><\/span><\/p>\n

Ces circonstances, c\u2019est la guerre de 14-18, et pour les comprendre, il faut dire un mot sur la situation politique et \u00e9conomique de la Belgique \u00e0 cette \u00e9poque.<\/p>\n

La guerre est d\u00e9clar\u00e9e le 4 ao\u00fbt, et le territoire belge est envahi en 21 jours. Les capitalistes belges voient leurs usines et leurs possessions coloniales menac\u00e9es non par les ouvriers, mais par leurs rivaux capitalistes allemands : en septembre 1914, le chancelier allemand, Bethmann-Hollweg \u00e9tablit un projet d\u2019annexion du Congo belge.<\/p>\n

D\u2019autre part, l\u2019autorit\u00e9 d\u2019occupation va d\u00e9velopper une \u00ab\u00a0flamenpolitik\u00a0\u00bb, une politique de soutien aux mouvements nationalistes flamands, dans le but de provoquer une scission de la Belgique et d\u2019annexer la Flandre.<\/p>\n

La bourgeoisie belge, encore largement domin\u00e9e par les familles d\u2019industriels et de financiers francophones, se voit directement menac\u00e9e par cette volont\u00e9 de l\u2019imp\u00e9rialisme allemand.<\/p>\n

Ceci explique que les capitalistes belges vont, dans leur tr\u00e8s grande majorit\u00e9, refuser de collaborer \u00e9conomiquement \u00e0 l\u2019effort de guerre allemand, et mettre leurs usines en ch\u00f4mage.<\/p>\n

Encore faut-il que cette d\u00e9cision ne se retourne pas contre eux. Toute l\u2019\u00e9conomie est rapidement paralys\u00e9e, et les ouvriers restent sans travail.<\/p>\n

Dans les r\u00e9gions urbaines et industrielles du sud, peu nombreux sont ceux qui peuvent se tourner vers une famille \u00e0 la campagne ou vivre d\u2019un potager. Une situation de famine s\u2019installe d\u00e8s l\u2019automne 1914.<\/p>\n

Pour \u00e9viter que la col\u00e8re contre le ch\u00f4mage et la famine ne se retourne contre les capitalistes belges, les leaders de cette classe vont prendre en main l\u2019organisation du ravitaillement des familles ouvri\u00e8res.<\/p>\n

D\u00e8s septembre 1914, Ernest Solvay, qui \u00e9tait un des patrons les plus influents du pays, entreprend dans ce but de cr\u00e9er un Comit\u00e9 National de Secours et d\u2019Alimentation, qui va rapidement devenir le v\u00e9ritable gouvernement de la Belgique occup\u00e9e.<\/p>\n

Mais pour que cette man\u0153uvre r\u00e9ussisse, il faut encore, pour les patrons, couper court \u00e0 toute critique, \u00e0 toute force d\u2019opposition au sein de la classe ouvri\u00e8re.<\/p>\n

\u00c9mile Franqui va choisir alors de s\u2019appuyer sur les organisations ouvri\u00e8res et en particulier, sur les syndicats. Franqui, futur gouverneur de la Soci\u00e9t\u00e9 G\u00e9n\u00e9rale, est le repr\u00e9sentant du capital financier, qui domine d\u00e9j\u00e0 tous les secteurs du capitalisme industriel et commercial. Il est donc en mesure de d\u00e9terminer une politique, et d\u2019y entra\u00eener le patronat.<\/p>\n

Franqui a vu le POB choisir \u00ab\u00a0l\u2019union sacr\u00e9e\u00a0\u00bb avec sa propre bourgeoisie, contre \u00ab\u00a0l\u2019agression allemande\u00a0\u00bb, il a vu Emile Vandervelde et Louis De Brouck\u00e8re entra\u00eener les travailleurs belges \u00e0 la guerre contre les travailleurs allemands, en d\u00e9pit de toutes les anciennes proclamations internationalistes et anti-militaristes des socialistes.<\/p>\n

Pour Franqui et ses semblables, il s\u2019agit d\u2019une d\u00e9monstration politique, la d\u00e9monstration qu\u2019il est possible de s\u2019appuyer sur le parti r\u00e9formiste et les organisations syndicales qui en d\u00e9pendent. Franqui convainc Albert Ier d\u2019int\u00e9grer des ministres socialistes dans son gouvernement d\u2019Union Sacr\u00e9e, pour continuer la guerre contre l\u2019Allemagne.<\/p>\n

Et pendant ce temps, lui, dans la Belgique occup\u00e9e, il va utiliser les organisations syndicales comme r\u00e9seaux de distribution et de r\u00e9partition de l\u2019aide alimentaire aux travailleurs.<\/p>\n

Voil\u00e0 ce qu\u2019est l\u2019intelligence politique\u00a0! Comment r\u00e9partir une quantit\u00e9 nettement insuffisante de nourriture, de v\u00eatements et de charbon \u00e0 une population en train de crever de faim\u00a0? Faites-la distribuer par ses porte-parole, par les meneurs, par les opposants habituels\u2026. Quand ils seront mouill\u00e9s dans la combine, qui va vous critiquer\u00a0?<\/p>\n

La distribution de cette premi\u00e8re forme d\u2019allocation de ch\u00f4mage en Belgique, va se faire par l\u2019interm\u00e9diaire des organisations syndicales, ce qui pousse les travailleurs \u00e0 s\u2019affilier.<\/p>\n

Ce n\u2019\u00e9tait pas une obligation l\u00e9gale, mais discr\u00e8tement, les pouvoirs publics avaient r\u00e9duit le nombre d\u2019organismes de paiement officiel des allocations de ch\u00f4mage, pour encourager les travailleurs \u00e0 s\u2019affilier aux syndicats.<\/p>\n

Un journal lib\u00e9ral rappelait avec amertume, en 1924\u00a0: \u00ab\u00a0On sait que c\u2019est le Gouvernement de l\u2019Union sacr\u00e9e qui a pouss\u00e9 les ouvriers dans les syndicats en subordonnant \u00e0 l\u2019affiliation syndicale l\u2019octroi des allocations\u00a0<\/em>(de ch\u00f4mage)\u00a0\u00bb.<\/p>\n

Les effectifs syndicaux vont d\u00e8s lors gonfler rapidement, et compter des centaines de milliers d\u2019affili\u00e9s mais, \u00e9videmment, non plus sur la base d\u2019un regroupement en vue des luttes, mais comme une adh\u00e9sion \u00e0 un organisme d\u2019assistance sociale.<\/p>\n

Toute cette situation entra\u00eene une profonde confusion, un recul de la conscience au sein des organisations syndicales. Les responsables syndicaux se retrouvent sans activit\u00e9s militantes, au milieu de l\u2019inactivit\u00e9 forc\u00e9e qui emp\u00eache les travailleurs de se rassembler et de lutter au coude \u00e0 coude. Dans cette situation de crise et de famine provoqu\u00e9e, dans l\u2019esprit de ces syndicalistes, par l\u2019occupation allemande, les voil\u00e0 invit\u00e9s, par les patrons de leurs localit\u00e9s, \u00e0 venir r\u00e9ceptionner des tonnes de colis d\u2019aides et \u00e0 assurer leur r\u00e9partition entre les familles populaires. Les patrons les invitent \u00e0 leurs tables, o\u00f9 l\u2019on sert le beurre et le caf\u00e9 du march\u00e9 noir, les traitent comme des \u00e9gaux, \u00ab\u00a0des partenaires\u00a0\u00bb, les flattent habilement.<\/p>\n

A l\u2019\u00e9gard des travailleurs qui d\u00e9pendent de l\u2019aide, ces syndicalistes deviennent \u00e9videmment des personnages tout-puissants, que personne n\u2019a envie de contrarier.<\/p>\n

Et bien s\u00fbr, au bout de quelques ann\u00e9es dans ces terribles circonstances, o\u00f9 chacun voit d\u00e9p\u00e9rir ses enfants, les familles des syndicalistes sont les mieux nourries et leurs maisons sont les mieux chauff\u00e9es.<\/p>\n

C\u2019est durant cette situation de crise terrible, qui va durer quatre longues ann\u00e9es, que va se former, ou plut\u00f4t se d\u00e9former, une nouvelle g\u00e9n\u00e9ration de cadres syndicaux, \u00e9duqu\u00e9e ainsi aux avantages de la collaboration de classe.<\/p>\n

C\u2019est cette g\u00e9n\u00e9ration qui sera aux commandes des organisations syndicales durant les vingt ann\u00e9es suivantes.<\/p>\n

1918- 1921\u00a0: des concessions devant la r\u00e9volution<\/strong><\/span><\/p>\n

La fin de la guerre ne va pas signifier la fin des probl\u00e8mes pour la bourgeoisie belge. \u00c0 la suite de la r\u00e9volution russe de 1917, une mont\u00e9e r\u00e9volutionnaire va gagner toute l\u2019Europe, et durant quelques ann\u00e9es, de 1918 \u00e0 1922, la bourgeoisie va craindre l\u2019extension de la r\u00e9volution \u00e0 d\u2019autres pays.<\/p>\n

En 1918\u00a0, r\u00e9volution en Finlande\u00a0; en 1918-1919, en Allemagne, en Hongrie, insurrection ouvri\u00e8re \u00e0 Vienne, en Autriche\u00a0; en 1921, \u00e9chec du putsch de Kapp en Allemagne\u00a0; 1921-1922, gr\u00e8ves insurrectionnelles en Italie. Dans tous les autres pays, ces \u00e9v\u00e9nements entra\u00eenent une radicalisation des masses, un \u00e9lan d\u2019une majorit\u00e9 des salari\u00e9s vers les organisations syndicales pour y mener des luttes revendicatives, et dans quelques pays, la formation de partis communistes r\u00e9volutionnaires de masse.<\/p>\n

Cet afflux vers les partis et syndicats socialistes va aussi se produire en Belgique. Il y a bien s\u00fbr le d\u00e9sir de b\u00e9n\u00e9ficier de l\u2019assurance ch\u00f4mage qu\u2019offrent les organisations syndicales en Belgique pour des raisons que nous connaissons d\u00e9j\u00e0. Mais il y a aussi la volont\u00e9 d\u2019arracher une am\u00e9lioration g\u00e9n\u00e9rale de son existence par les luttes. En 1920, la Centrale des Syndicats Chr\u00e9tiens, qui attire les travailleurs les moins conscients et les moins combatifs compte 160 000 affili\u00e9s contre 700 000 pour les organisations syndicales li\u00e9es au POB.<\/p>\n

Le secr\u00e9taire g\u00e9n\u00e9ral de la CSC de l\u2019\u00e9poque, Henri Pauwels, raconte que \u00ab\u00a0on sentait partout un afflux vers les organisations socialistes que rien ne semblait pouvoir arr\u00eater\u00a0<\/em>\u00bb.<\/p>\n

Les travailleurs belges, gagn\u00e9s par ce climat revendicatif, se lancent dans des gr\u00e8ves importantes\u00a0: en 1918 au port d\u2019Anvers, en 1919-1920, dans la m\u00e9tallurgie, les mines, et bien d\u2019autres secteurs.<\/p>\n

Durant toute cette p\u00e9riode, les capitalistes belges vont davantage craindre pour leurs usines que pour leurs marges b\u00e9n\u00e9ficiaires. C\u2019est pourquoi ils vont accepter que le gouvernement s\u2019efforce d\u2019apaiser la situation sociale en accordant une s\u00e9rie de concessions politiques et \u00e9conomiques \u00e0 la classe ouvri\u00e8re\u00a0: le suffrage universel, la journ\u00e9e des huit heures, la construction de dizaines de milliers de logements \u00e0 bon march\u00e9, l\u2019imp\u00f4t sur le revenu (pour faire contribuer les riches, au lieu de reposer uniquement sur la taxation de la consommation populaire), etc.<\/p>\n

Mais aussi l\u2019abrogation de l\u2019article 310 du Code P\u00e9nal, restreignant le droit de gr\u00e8ve. Sur base de cette loi, un juge pouvait envoyer un gr\u00e9viste en prison pour un regard jug\u00e9 mena\u00e7ant \u00e0 un jaune. Avant la guerre, chaque ann\u00e9e, des centaines de poursuites judiciaires et d\u2019enfermements avaient lieu pour infraction \u00e0 l\u2019article 310.<\/p>\n

Mais alors que les ouvriers se battaient les armes \u00e0 la main \u00e0 Berlin, \u00e0 Vienne, \u00e0 Turin, les tribunaux redoutaient qu\u2019en appliquant la loi, ils ne poussent \u00e0 transformer des luttes \u00e9conomiques en luttes politiques. Or, \u00e0 quoi sert une loi que vous craignez de faire appliquer\u00a0? Pour que \u00ab\u00a0force reste \u00e0 loi\u00a0\u00bb, \u2026le plus simple est de la supprimer\u00a0!<\/p>\n

D\u2019une fa\u00e7on plus g\u00e9n\u00e9rale, les responsables politiques de la bourgeoisie veulent cr\u00e9er l\u2019illusion, parmi les travailleurs, que l\u2019ancien temps ne reviendra plus, que d\u00e9sormais les travailleurs ont des droits, \u00e0 \u00e9galit\u00e9 avec les patrons.<\/p>\n

Il y a le droit de vote aux \u00e9lections bien s\u00fbr. Mais ce n\u2019est pas tout. En Russie, puis en Allemagne, se sont g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9s les conseils ouvriers, par lesquels les travailleurs des grandes et m\u00eame moyennes entreprises tentent d\u2019imposer un contr\u00f4le sur le fonctionnement de leurs bo\u00eetes et sur les choix des directions, qui engagent leurs vies, leurs salaires\u2026<\/p>\n

Ces exemples frappaient vivement les esprits des travailleurs des autres pays, dont la Belgique.<\/p>\n

En outre, la r\u00e9volution russe et la propagande de l\u2019Internationale Communiste, ont contribu\u00e9 \u00e0 faire largement prendre conscience aux travailleurs, que la guerre, comme les crises industrielles et \u00e9conomiques, sont les cons\u00e9quences du fonctionnement m\u00eame du capitalisme, et qu\u2019on ne peut y mettre un terme qu\u2019en mettant tout l\u2019appareil \u00e9conomique sous le contr\u00f4le de la population.<\/p>\n

Et \u00e0 l\u2019\u00e9poque, ce ne sont pas que des mots.<\/p>\n

En Allemagne, dans la Ruhr, toute proche de la Belgique, des Comit\u00e9s d\u2019ouvriers, repr\u00e9sentant des dizaines de milliers de mineurs, tentent m\u00eame d\u2019augmenter et de contr\u00f4ler la production du charbon, pour pallier \u00e0 la p\u00e9nurie cr\u00e9\u00e9e par la crise \u00e9conomique et le sabotage des patrons. C\u2019est un des nombreux exemples par lesquels la perspective de la socialisation des moyens de production est popularis\u00e9e parmi les travailleurs d\u2019Europe, et forc\u00e9ment aussi en Belgique.<\/p>\n

Alors, plut\u00f4t que d\u2019attendre que les travailleurs suivent ces \u2018mauvais exemples\u2019 \u00e0 travers des luttes, les dirigeants politiques au service de la bourgeoisie vont eux- m\u00eames cr\u00e9er des organismes qui copient ces conseils ouvriers, ce contr\u00f4le de la population sur le fonctionnement de l\u2019industrie et l\u2019\u00e9conomie.<\/p>\n

Et pour \u00e9viter que les travailleurs ne se m\u00ealent directement de ce qui les regarde, ces responsables bourgeois vont y associer les appareils syndicaux.<\/p>\n

\u00c0 partir de 1919, le ministre socialiste, Joseph Wauters, va pousser le patronat \u00e0 accepter la mise en place de Conseils d\u2019entreprises, r\u00e9unissant les patrons avec des permanents syndicaux\u00a0; puis \u00ab\u00a0les Commissions paritaires\u00a0\u00bb, regroupant patrons et syndicats par branche d\u2019industrie, pour conclure des \u00ab\u00a0Conventions collectives\u00a0\u00bb sur la progression des salaires et l\u2019am\u00e9lioration des conditions de travail, en \u00e9change de \u00ab\u00a0la paix sociale\u00a0\u00bb.<\/p>\n

Avec quel type d\u2019arguments les dirigeants r\u00e9formistes s\u2019effor\u00e7aient-ils de convaincre les patrons\u00a0de tol\u00e9rer ces nouveaux r\u00f4les des organisations syndicales\u00a0?<\/p>\n

\u00ab\u00a0Il faut esp\u00e9rer que les employeurs comprendront qu\u2019ils ont int\u00e9r\u00eat \u00e0 voir se d\u00e9velopper la puissance des syndicats qui servent \u00e0 canaliser le torrent. Ils emp\u00eachent que les revendications se fassent jour d\u2019une mani\u00e8re violente, risquant de d\u00e9sorganiser le pays<\/em>\u00a0\u00bb<\/p>\n

Emile Vandervelde Aux responsables syndicaux, ils tenaient un langage tout aussi explicite\u00a0:<\/p>\n

La fonction du chef syndical \u00ab\u00a0n\u2019est plus de faire mettre en gr\u00e8ve. Cette fonction appartient au pass\u00e9. Aujourd\u2019hui, le grand souci du dirigeant syndical est sinon d\u2019emp\u00eacher les gr\u00e8ves, du moins de les organiser, quand ce n\u2019est pas possible d\u2019en faire l\u2019\u00e9conomie<\/em>\u00a0\u00bb<\/p>\n

Henri De Man<\/p>\n

Pour susciter l\u2019espoir, et une attente pacifique, parmi les travailleurs, les premi\u00e8res conventions collectives de 1920 promettent beaucoup\u00a0: fixation d\u2019un salaire minimum, la liaison du salaire \u00e0 l\u2019index, la diminution de la dur\u00e9e du travail, des cong\u00e9s, des allocations familiales, des indemnit\u00e9s en cas d\u2019accidents de travail,\u2026<\/p>\n

Mais toutes ces r\u00e9formes, expliquent les dirigeants socialistes, ne peuvent \u00eatre impos\u00e9es que graduellement, pour laisser du temps aux entrepreneurs\u2026<\/p>\n

Mais par contre, ce qui n\u2019attend pas, c\u2019est le soutien de l\u2019Etat aux appareils syndicaux. En 1920, le gouvernement cr\u00e9e un Fonds National de Crise, pour alimenter les caisses d\u2019allocations de ch\u00f4mage des organisations syndicales. C\u2019est, en fait, un financement indirect de l\u2019influence des syndicats sur les travailleurs, et un financement aussi d\u2019un appareil syndical de plus en plus gros, constitu\u00e9 non de militants, mais de salari\u00e9s syndicaux, salari\u00e9s disciplin\u00e9s par rapport \u00e0 leurs employeurs, les grands dirigeants syndicaux. L\u2019Etat prend aussi en charge une fraction substantielle du financement de l\u2019activit\u00e9 des permanents syndicaux qui s\u2019investissent dans les organismes paritaires.<\/p>\n

Toutes ces \u00ab\u00a0avanc\u00e9es syndicales\u00a0\u00bb contribuent au d\u00e9veloppement spectaculaire d\u2019une large couche de fonctionnaires syndicaux, d\u00e9tach\u00e9s du travail en usine et des dures conditions d\u2019existence des ouvriers. Une couche tr\u00e8s consciemment attach\u00e9e \u00e0 la d\u00e9fense des organismes de conciliation sociale qui la font vivre.<\/p>\n

Ces cadres et responsables syndicaux doivent constamment s\u2019opposer aux gr\u00e8ves, nombreuses, qui \u00e9clatent en dehors de leur contr\u00f4le, et qu\u2019ils d\u00e9noncent comme \u00ab\u00a0sauvages\u00a0\u00bb. Ils d\u00e9veloppent une profonde aversion pour les id\u00e9es de lutte des classes, envers la r\u00e9volution et les communistes.<\/p>\n

Mais leur bonne volont\u00e9 de se mettre au service des patrons pour maintenir la paix sociale ne va pas \u00eatre r\u00e9compens\u00e9e comme ils l\u2019auraient voulu.<\/p>\n

Apr\u00e8s la prise du pouvoir par Mussolini en Italie en 1922, les capitalistes belges se sentent rassur\u00e9s par l\u2019\u00e9loignement d\u2019une r\u00e9volution en Europe, et ils redeviennent offensifs sur le plan \u00e9conomique contre la classe ouvri\u00e8re. L\u2019application de la journ\u00e9e des 8 heures est remise en cause, comme toutes les belles promesses des Conventions collectives.<\/p>\n

Les organismes de la collaboration de classe, dont le fonctionnement repr\u00e9sentait toute l\u2019ambition de la bureaucratie syndicale, restent des coquilles vides, tranquillement d\u00e9daign\u00e9es par les patrons. Du moins jusqu\u2019en 1936 lorsque, effray\u00e9s par la mont\u00e9e des luttes, les patrons reviendront pr\u00e9cipitamment s\u2019asseoir au si\u00e8ge des organismes de collaboration avec les syndicats.<\/p>\n

1921-1939\u00a0Les militants \u00ab\u00a0luttes de classe\u00a0\u00bb et la bureaucratie r\u00e9formiste<\/strong><\/span><\/p>\n

Regroupement autour des communistes<\/strong><\/span><\/p>\n

Au regard de l\u2019\u00e9volution des syndicats, on peut se demander ce qu\u2019\u00e9taient devenus tous ces militants ouvriers form\u00e9s \u00e0 l\u2019\u00e9cole de la lutte de classes ? Et bien, leurs traditions n\u2019avaient pas enti\u00e8rement disparu. L\u2019\u00e9volution \u00e0 droite des syndicats et du Parti Ouvrier, l\u2019exemple des trahisons et de la corruption \u00e9c\u0153urante des permanents, poussaient les militants les plus conscients vers l\u2019extr\u00eame gauche.<\/p>\n

Un exemple de cette \u00e9volution, c\u2019est Julien Lahaut. En 1921, c\u2019\u00e9tait encore un syndicaliste, permanent \u00e0 la Centrale des M\u00e9tallurgistes de Li\u00e8ge et membre du POB. C\u2019est en prenant la direction d\u2019une gr\u00e8ve au complexe sid\u00e9rurgique d\u2019Ougr\u00e9e-Marihaye, qu\u2019il va se retrouver aux prises avec son propre appareil. Pour casser la gr\u00e8ve, qui a dur\u00e9 9 mois, les dirigeants syndicaux n\u2019ont pas recul\u00e9 devant l\u2019emploi de m\u00e9thodes crapuleuses, comme l\u2019envoi de provocateurs arm\u00e9s au piquet de gr\u00e8ve pour y provoquer des incidents, ce qui m\u00e8nera Lahaut en prison.<\/p>\n

Quelques centaines de militants et de dirigeants ouvriers qui, \u00e0 l\u2019exemple de Julien Lahaut, refusaient de plier l\u2019\u00e9chine devant ce genre de m\u00e9thodes, ont choisi de rejoindre le jeune Parti Communiste, cr\u00e9\u00e9 en 1921.<\/p>\n

Quelques centaines, c\u2019est-\u00e0-dire rien en regard des milliers de militants fid\u00e8les aux directions r\u00e9formistes, rien par rapport aux centaines de milliers d\u2019ouvriers d\u2019usine. Et pourtant, c\u2019est \u00e0 partir de cette base-l\u00e0 que va se d\u00e9velopper une opposition \u00ab\u00a0lutte de classe\u00a0\u00bb au sein des entreprises ; une opposition qui \u00e0 travers des crises et des \u00e9v\u00e9nements terribles, va finir par obtenir une influence consid\u00e9rable aupr\u00e8s des travailleurs.<\/p>\n

Apr\u00e8s 1923, le recul de la combativit\u00e9 et la passivit\u00e9 politique des travailleurs va laisser les militants communistes isol\u00e9s, sans prise sur les \u00e9v\u00e9nements. Ils en profitent pour consolider une organisation de lutte, vou\u00e9e au travail militant dans les entreprises, \u00e0 contre-courant de l\u2019\u00e9volution des autres organisations socialistes, et notamment des organisations syndicales. Celles-ci deviennent de plus en plus des appareils de gestionnaires, subventionn\u00e9s par les communes, les provinces, les gouvernements o\u00f9 si\u00e8gent les socialistes.<\/p>\n

La crise radicalise les masses<\/strong><\/span><\/p>\n

Mais la crise de 1929 va cr\u00e9er, en l\u2019espace de quelques ann\u00e9es, une situation sociale et politique qui va changer profond\u00e9ment les possibilit\u00e9s d\u2019intervention des militants ouvriers.<\/p>\n

Lorsque la crise atteint la Belgique, au d\u00e9but de 1930, le ch\u00f4mage et la mis\u00e8re s\u2019abattent massivement sur les travailleurs.<\/p>\n

Le gouvernement tente de lutter contre la crise par une politique de \u00ab\u00a0d\u00e9flation comp\u00e9titive\u00a0\u00bb, c\u2019est-\u00e0-dire une baisse des prix cens\u00e9e rendre des parts de march\u00e9s aux entreprises belges.<\/p>\n

Les organisations syndicales sont convi\u00e9es par les f\u00e9d\u00e9rations d\u2019employeurs \u00e0 convenir \u00ab\u00a0d\u2019un commun accord\u00a0\u00bb de baisses de salaires. Ces comit\u00e9s patrons-syndicats si\u00e8gent par branches\u00a0: m\u00e9tallurgie, mines, commerce, transport\u2026<\/p>\n

Bien s\u00fbr, tout le sport de ce petit jeu consiste pour le patronat \u00e0 obtenir des baisses de salaires plus importantes que les baisses des prix \u00e0 la consommation.<\/p>\n

A chaque nouvelle r\u00e9union sectorielle, nouvelle baisse des salaires\u00a0: \u00e9videmment les commissions si\u00e8gent de plus en plus souvent, tous les mois en 1931, puis tous les 15 jours, puis toutes les semaines en 1932.<\/p>\n

Au d\u00e9but, les travailleurs sont abattus par la succession des faillites ou des mises en ch\u00f4mage \u00e9conomique. Toutes les entreprises, dans tous les secteurs, sont atteintes.<\/p>\n

Le POB obtient au Parlement une mesure pour que le travail restant (et donc le salaire) soit partag\u00e9 \u00ab\u00a0\u00e9quitablement\u00a0\u00bb entre tous. Apr\u00e8s les baisses du salaire horaire, vient le raccourcissement des semaines travaill\u00e9es et pay\u00e9es\u2026 La semaine de 5 jours, celle de 4, puis celle de 3. Mais on a faim 7 jours sur 7.<\/p>\n

D\u2019o\u00f9 viendra la r\u00e9action\u00a0? Les dirigeants des organisations syndicales expliquent qu\u2019il n\u2019y rien \u00e0 faire, qu\u2019\u00e0 attendre la reprise. Les travailleurs sont h\u00e9b\u00e9t\u00e9s, abattus par le spectacle de la faim dans leur famille.<\/p>\n

Au sortir de l\u2019hiver 1932, les travailleurs du charbonnage du Levant \u00e0 Mons (Wasmes) se r\u00e9voltent contre les coups des contrema\u00eetres. Un geste de d\u00e9sespoir. Mais il se trouve parmi eux des militants communistes pour donner des perspectives. Il faut aller au carreau de mine voisin pour appeler les cousins, les oncles, les amis \u00e0 sortir. La gr\u00e8ve se propage comme une tra\u00een\u00e9e de poudre\u00a0; le Borinage \u00e0 l\u2019arr\u00eat, elle gagne La Louvi\u00e8re. Des milliers de gr\u00e9vistes s\u2019assemblent sur la place Mansart.<\/p>\n

Un homme monte au balcon de la maison du peuple\u00a0: \u00ab\u00a0Il faut 1000 cyclistes pour aller demain \u00e0 Charleroi<\/em>\u00a0\u00bb. Le lendemain, le cort\u00e8ge se met en route, racontant, expliquant, convainquant partout. La gr\u00e8ve s\u2019\u00e9tend \u00e0 tout le Hainaut.<\/p>\n

Les dirigeants syndicaux, les journalistes de la presse socialiste, les \u00e9lus du POB, sont m\u00e9dus\u00e9s. D\u2019o\u00f9 viennent cette \u00e9nergie, ce sens de l\u2019initiative, cet esprit de suite dans l\u2019action qui se sont empar\u00e9s de\u00a0\u00ab\u00a0cette jeunesse qu\u2019on est plus habitu\u00e9 \u00e0 voir tra\u00eener du c\u00f4t\u00e9 des terrains de sport que dans les r\u00e9unions syndicales<\/em>\u00a0\u00bb\u00a0?<\/p>\n

\u00ab\u00a0Les communistes<\/em>, s\u2019\u00e9tranglent les dirigeants syndicaux,\u00a0forment des comit\u00e9s de gr\u00e8ves auxquels participent m\u00eal\u00e9s des mineurs, des m\u00e9tallurgistes, et m\u00eame des non syndiqu\u00e9s\u00a0!<\/em>\u00a0\u00bb Des non syndiqu\u00e9s\u00a0! Sacril\u00e8ge supr\u00eame pour ces bureaucrates\u2026<\/p>\n

La perspective des militants communistes est en effet de miser sur le d\u00e9passement des cloisons syndicales traditionnelles, d\u2019organiser tous ceux qui veulent prendre en main la r\u00e9alisation des objectifs qui leur semblent n\u00e9cessaires \u00e0 la gr\u00e8ve.<\/p>\n

Finalement, malgr\u00e9 un d\u00e9but d\u2019extension \u00e0 Li\u00e8ge, la gr\u00e8ve s\u2019\u00e9teindra sans avoir obtenu autre chose qu\u2019un ajournement des nouvelles baisses de salaires. Mais les militants communistes ont cess\u00e9 d\u2019\u00eatre des inconnus pour des milliers de travailleurs, qui ont v\u00e9cu une exp\u00e9rience de lutte qui a chang\u00e9 leur conscience.<\/p>\n

Durant les ann\u00e9es suivantes, ce genre d\u2019exp\u00e9riences va se r\u00e9p\u00e9ter, \u00e0 plus petite \u00e9chelle mais de nombreuses fois. Lors de ces gr\u00e8ves, les dirigeants syndicaux r\u00e9formistes sont d\u00e9pass\u00e9s. Ils vivent et travaillent loin des usines\u00a0: ce ne sont pas des d\u00e9l\u00e9gu\u00e9s \u00e9lus, mais des permanents envoy\u00e9s par leur appareil pour informer les travailleurs des d\u00e9cisions et des choix du syndicat.<\/p>\n

Ils sont incapables de disputer aux militants implant\u00e9s dans les entreprises la direction d\u2019un mouvement. Leur seule arme, c\u2019est l\u2019exclusion syst\u00e9matique de tous ceux qui s\u2019opposent.<\/p>\n

Tout l\u2019appareil syndical socialiste se r\u00e9organise en fonction de cette pr\u00e9occupation. Depuis la motion Mertens de 1925, les statuts pr\u00e9voient explicitement l\u2019incompatibilit\u00e9 d\u2019un mandat syndical et de l\u2019appartenance au PC. Mais les militants communistes sont souvent des clandestins, leur \u00e9tiquette politique n\u2019appara\u00eet que lorsqu\u2019ils ont gagn\u00e9 le soutien des syndiqu\u00e9s et des travailleurs. Alors les bureaucrates trichent, changent les statuts et les r\u00e8glements pour s\u2019efforcer de garder le contr\u00f4le de l\u2019appareil. Progressivement, les organismes centraux imposent le contr\u00f4le sur les F\u00e9d\u00e9rations r\u00e9gionales et sectorielles, sur leurs caisses de r\u00e9sistance, le d\u00e9clenchement et la fin des conflits, la d\u00e9signation \u00e0 des postes de responsabilit\u00e9s, etc. Cette r\u00e9organisation aboutit \u00e0 la cr\u00e9ation de la CGTB, en 1937.<\/p>\n

Mais ce n\u2019est plus qu\u2019une coquille \u00e0 moiti\u00e9 vide. Dans ses m\u00e9moires, un de ces dirigeants r\u00e9formistes, Jos Bondas, reconna\u00eet que durant cette p\u00e9riode\u00a0:\u00a0\u00ab\u00a0l\u2019exclusion des communistes et des syndicalistes combatifs a consid\u00e9rablement fragment\u00e9 et affaibli le syndicat dans de nombreux secteurs et r\u00e9gions\u00a0<\/em>\u00bb.<\/p>\n

Ayant renonc\u00e9 au soutien des travailleurs conscients et militants, l\u2019appareil doit compter de plus en plus sur le soutien de l\u2019Etat pour l\u2019entretenir. Lors de d\u00e9bats internes du POB sur une \u00e9ventualit\u00e9 de participation \u00e0 des gouvernements de coalition avec les partis bourgeois, les dirigeants syndicaux tiennent syst\u00e9matiquement les positions les plus \u00e0 droite, les plus participationnistes, tant ils comptent sur les subsides que pourraient leur obtenir des ministres socialistes.<\/p>\n

Mais, malheureusement pour eux, cet Etat allait bient\u00f4t changer de politique \u00e0 leur \u00e9gard. Apr\u00e8s une p\u00e9riode d\u2019am\u00e9lioration \u00e9conomique au milieu des ann\u00e9es 30, la crise recommence apr\u00e8s 1937. Les milieux bourgeois ont vu les gr\u00e8ves de 1936, et le r\u00f4le influent qu\u2019y ont jou\u00e9 les communistes, en Wallonie mais aussi au port d\u2019Anvers, dans les industries \u00e0 Alost et ailleurs. Ils craignent que la crise n\u2019entra\u00eene une radicalisation des masses contre lesquelles les appareils r\u00e9formistes ne pourraient plus jouer leur r\u00f4le comme en 1920.<\/p>\n

A quoi servent encore, pensent-ils, ces appareils syndicaux co\u00fbteux\u00a0? Il faut en finir avec eux et revenir sur toutes les concessions politiques et \u00e9conomiques faites aux travailleurs. Il faut mettre les ouvriers au pas, comme on l\u2019a fait en Allemagne. \u00ab\u00a0Monsieur le Chancelier Hitler\u00a0\u00bb est un homme admir\u00e9 et respect\u00e9 par les milieux d\u2019affaires. Les politiciens et les diplomates se d\u00e9couvrent germanophiles. La presse, les experts, vantent le \u2018mod\u00e8le social\u2019 allemand \u00ab\u00a0qui a donn\u00e9 un travail aux ch\u00f4meurs\u00a0\u00bb.<\/p>\n

\u00ab\u00a0Il faut un pouvoir fort\u00a0\u00bb. Tel est l\u2019\u00e9tat d\u2019esprit qui se r\u00e9pand parmi les dirigeants. Le \u00ab\u00a0pouvoir fort\u00a0\u00bb va bient\u00f4t venir vers eux, en mai 1940. Face \u00e0 cette \u00e9volution, que tout le monde peut mesurer dans la presse et \u00e0 travers les d\u00e9clarations des \u2018d\u00e9cideurs\u2019, les organisations r\u00e9formistes sont paralys\u00e9es, incapables de r\u00e9agir et de trouver une issue.<\/p>\n

Lorsque l\u2019occupant nazi interdira toutes les organisations ouvri\u00e8res en Belgique, dont, bien entendu, les syndicats, les dirigeants r\u00e9formistes n\u2019y opposeront aucune r\u00e9sistance dans le meilleur des cas, ou proposeront carr\u00e9ment de collaborer avec le nouveau r\u00e9gime \u00e0 la mise en place de syndicats fascistes.<\/p>\n

Et pourtant, malgr\u00e9 la dure r\u00e9alit\u00e9 de cette situation, il faut retenir que les militants \u00ab\u00a0lutte de classes\u00a0\u00bb, peu nombreux en 1921, ont en 1939 une implantation dans les grandes entreprises et un cr\u00e9dit aupr\u00e8s des travailleurs bien plus grands que lors de la mont\u00e9e r\u00e9volutionnaire.<\/p>\n

Eux ne vont pas dispara\u00eetre et vont r\u00e9ussir \u00e0 s\u2019adapter \u00e0 ces circonstances tr\u00e8s difficiles. Nous verrons une prochaine fois comment ils vont r\u00e9ussir, malgr\u00e9 la guerre, l\u2019occupation, la Gestapo, \u00e0 reconstruire des organisations syndicales \u00ab\u00a0luttes de classes\u00a0\u00bb, et comment les patrons et les dirigeants r\u00e9formistes vont s\u2019allier pour en reprendre le contr\u00f4le.<\/p>\n

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Suite page 2: Les syndicats en Belgique 2\/3 1939-1943<\/a><\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Les syndicats en Belgique 1\/3 1850-1939 Naissance des syndicats modernes Introduction Ceux qui ont suivi l\u2019actualit\u00e9 ont pu voir un patron de choc, ne cachant pas son m\u00e9pris pour les syndicats, le patron de Ryanair O\u2019Leary, menacer de quitter l\u2019a\u00e9roport de Charleroi s\u2019il n\u2019obtenait pas des garanties contre les actions de gr\u00e8ve. De nombreux commentateurs…<\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":324,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"_oct_exclude_from_cache":false,"footnotes":""},"categories":[3,14],"tags":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/commission-des-pensionnes.cgsp-admi-mons.be\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/323"}],"collection":[{"href":"https:\/\/commission-des-pensionnes.cgsp-admi-mons.be\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/commission-des-pensionnes.cgsp-admi-mons.be\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/commission-des-pensionnes.cgsp-admi-mons.be\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/commission-des-pensionnes.cgsp-admi-mons.be\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=323"}],"version-history":[{"count":9,"href":"https:\/\/commission-des-pensionnes.cgsp-admi-mons.be\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/323\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":361,"href":"https:\/\/commission-des-pensionnes.cgsp-admi-mons.be\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/323\/revisions\/361"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/commission-des-pensionnes.cgsp-admi-mons.be\/wp-json\/wp\/v2\/media\/324"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/commission-des-pensionnes.cgsp-admi-mons.be\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=323"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/commission-des-pensionnes.cgsp-admi-mons.be\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=323"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/commission-des-pensionnes.cgsp-admi-mons.be\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=323"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}